Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Après l'effort, le réconfort
28 février 2014

Journal d'un prof

Rythmes scolaires, programmes, statut des profs : la refondation enterrée Rythmes scolaires, programmes, statut des profs : la refondation enterrée

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/journal.histoire/2014/02/28/rythmes-scolaires-programmes-statut-des-profs-la-refondation-enterree-232401

Bernard Girard

Journal d’un prof d’histoire


Enseignant en collège
Publié le 28/02/2014 à 12h26

L’annonce du report à la rentrée 2016 de l’entrée en vigueur des nouveaux programmes scolaires vient conclure toute une série de reculs notifiés ces dernières semaines et dissiper les ultimes illusions que l’on pouvait encore entretenir sur la volonté réformatrice du gouvernement : la refondation de l’école, censée combiner dans une même approche une refonte des contenus de l’enseignement, des rythmes scolaires équilibrés et une redéfinition du travail des enseignants, est morte avant même d’avoir vu le jour.

L’industrie du tourisme a gagné

La réforme des rythmes scolaires, pourtant jusqu’à présent limitée dans ses modalités à la seule semaine en primaire, avait déjà été renvoyée aux calendes grecques par la publication, il y a quelques semaines, d’un calendrier triennal complètement incohérent, imposé par les professionnels du tourisme dans une logique qui relève bien davantage de préoccupations clientélistes que de considérations éducatives.

Très éloigné du rythme de sept semaines de travail-deux semaines de congé préconisé par les spécialistes des rythmes scolaires, ce calendrier reflète le lobbying forcené d’une profession, exercé par l’intermédiaire d’une soixantaine de parlementaires de droite comme de gauche, dont les récriminations portent principalement sur les dates des vacances de printemps qui se voient reprocher d’être fixées… au printemps, en dehors de la période d’enneigement.

Pourtant, avec l’instauration des congés d’hiver et leur étalement sur trois zones, les professionnels de la neige ont obtenu au cours des dernières décennies un privilège considéré aujourd’hui comme une rente de situation qu’on s’interdit de remettre en cause malgré les dommages évidents sur l’ensemble des rythmes scolaires mais aussi en dépit du fait que les vacances à la neige ne touchent que 8% des Français, issus très majoritairement des milieux aisés. Entre l’intérêt des élèves – dont il ne manque pourtant jamais l’occasion de s’afficher le champion – et des considérations manifestement électoralistes, Vincent Peillon a fait son choix.

Les nouveaux programmes attendront

La question des rythmes scolaires perd une bonne partie de son sens si elle n’est pas resituée dans le cadre plus général des contenus de l’enseignement auxquels ils sont censés servir de support. C’est pourquoi le report des nouveaux programmes de l’école élémentaire et du collège, à l’hiver 2015 pour une application à la rentrée 2016, a tous les signes d’une nouvelle reculade du gouvernement, surtout lorsqu’il est précisé que ce report intervient « à la demande de certaines organisations syndicales ».

La redéfinition des programmes scolaires est pourtant bien l’enjeu majeur de la dernière loi d’orientation et si les programmes du primaire – imposés de force sans concertation par le précédent gouvernement – ne trouvent guère de défenseurs, il n’en est manifestement pas de même pour ceux du secondaire dont certains milieux semblent s’accommoder malgré les tares qui y sont attachées : élaborés dans leurs moindres détails par une autorité centrale très éloignée du terrain, des programmes toujours plus lourds, aux exigences sans fin mais déconnectés des réalités d’une classe comme des motivations et des capacités des élèves, tournent à vide.

A titre d’exemple, il faut savoir que les programmes d’histoire et de géographie pour le seul collège nécessitent allègrement plus de 300 pages d’instructions officielles qui se déclinent, pour chaque thème étudié, en connaissances à acquérir, capacités à développer, démarche à mettre en œuvre, problématiques à cibler, supports d’étude à privilégier mais également – sans doute pour les plus bornés des profs… – indication des pièges à éviter.

Au final, l’enseignant ne serait plus guère qu’un automate téléguidé à distance par le Bulletin officiel de l’Education nationale si, dieu merci, la réalité quotidienne et la présence d’élèves non virtuels ne venaient mettre à mal ces injonctions illusoires, en les adaptant, en les élaguant, en essayant de donner un semblant de sens à cet extravagant cahier des charges.

Outre un renouvellement des thématiques – pour sortir l’enseignement de l’histoire de la chronologie politique toujours dominante – il faudrait en finir avec l’empilement fictif de connaissances strictement disciplinaires, résultat d’une chimérique prétention à l’exhaustivité, inscrire les programmes dans la perspective de cycles pluriannuels adaptés aux capacités réelles des élèves et surtout donner aux enseignants la pleine et entière responsabilité pédagogique dans l’élaboration de leurs progressions, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui, enfermés qu’ils sont dans la nasse des injonctions hiérarchiques envahissantes et contradictoires. En quelque sorte, faire rentrer l’enseignement dans une logique curriculaire familière à bien des systèmes éducatifs étrangers.

Les raisons invoquées au report des nouveaux programmes – « la consultation du terrain » – sont difficilement justifiables quand on les met en parallèle avec la précipitation du ministre de l’Education lorsqu’il s’est agi d’imposer sans débat la création d’une nouvelle discipline scolaire, la morale laïque.

Repousser l’échéance à 2016 – ce qui, en outre, interdirait de toucher avant 2020 à un diplôme national du brevet (DNB) pourtant moribond – n’est guère crédible au regard du calendrier politique : qui peut sérieusement croire que des politiciens qui font de la reculade un mode de gouvernement auront le courage de mettre en chantier, à la veille d’élections nationales décisives, ce qui constituerait une rupture majeure dans le système éducatif ?

Et même si l’on comprend que la réécriture des programmes soit une tâche de longue haleine, pourquoi, pour une période transitoire, ne pas accorder à l’enseignant un libre choix sur une partie des programmes – par exemple en ne traitant que deux questions sur trois – une mesure qui, pour être mise en œuvre, ne demanderait rien d’autre qu’une simple circulaire … sans coûter un centime au contribuable ?

Statut des profs : rien de nouveau ou pas grand-chose

Cette dérobade significative sur les programmes – si elle venait à se confirmer – serait alors à mettre en relation avec l’accord conclu la semaine écoulée entre le ministère et les syndicats sur le statut des enseignants, un accord que même une forte dose d’auto-persuasion interdit de qualifier d’« historique », comme l’a pourtant fait Vincent Peillon, puisqu’au final, il ne change rigoureusement rien à la situation actuelle.

Serpent de mer des discours sur la réforme de l’école, le travail des enseignants est strictement encadré par un fameux décret de 1950 qui le définit exclusivement en fonction d’un certain nombre d’heures de cours devant élèves et non de l’activité réellement déployée. Ce qui pouvait se concevoir il y a plus de soixante ans quand les études secondaires étaient réservées à un public soigneusement sélectionné et culturellement conditionné n’est manifestement plus adapté après des décennies de massification de l’enseignement.

En fin de compte, à travers ces tergiversations à répétition du ministre de l’Education, c’est bien une logique de régression sociale qui est à l’œuvre. N’accepter de remettre en cause – ou les retarder pour des raisons fallacieuses – ni les contenus enseignés (les programmes) ni les pratiques (les enseignants, leurs missions, leur formation) ni les conditions d’apprentissage des élèves (les rythmes scolaires) conduit à se satisfaire d’une situation dont on sait très bien, sauf à s’aveugler, qu’elle pénalise les élèves issus des milieux défavorisés.

Mais le rêve de beaucoup, même chez des enseignants « de gauche », n’est-il pas finalement que l’enseignement secondaire redevienne ce qu’il était à son origine : un enseignement de classe ?

Publicité
Publicité
23 février 2014

do you want a lesson ?

Les Deschiens Lesson of E. 2mn32

22 février 2014

être seulement un prof

Un prof doit faire partager les valeurs de la République = être Juriste et Educateur

Connaître les processus d’apprentissages = neuro biologiste

Inscrire son action dans le cadre des principes fondamentaux du système éducatif et dans le cadre réglementaire de l’école = Policier

Prendre en compte la diversité des élèves = huit bras comme une pieuvre !

Accompagner les élèves dans leur parcours de formation = agent de Pôle emploi

Utiliser une langue vivante étrangère dans les situations exigées par son métier = Interprète et Traducteur

Intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier = Geek si pour autant c’est un métier !

Coopérer au sein d’une équipe, avec les parents, avec les partenaires de l’école = Médiateur

S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel = rester un élève de très haut niveau avec une mémoire d’éléphant

Et tout cela avec une patience d’ange surtout quand un élève lui éternue en pleine figure parce qu’il ne sait pas mettre sa main devant sa bouche et en disant aux gamins qu’ils sont formidables tout en gardant les yeux derrière la tête s’il se retourne pour écrire au tableau.

Ce sont des femmes et hommes courageux car trop souvent méprisés, respect pour cette profession !

Partagez SVP si vous en faites partie ou si un proche en fait partie.

21 février 2014

Chronique de la vie enseignante dans un collège de l’enseignement catholique

samedi 12 octobre 2013 - par jimanju

Chronique de la vie enseignante dans un collège de l’enseignement catholique

Chronique de la vie enseignante dans un collège de l’enseignement catholique. Ceci se passe en France en 2013. 

Nous sommes en Lozère, dans un collège de l’enseignement catholique donc. Un professeur de mathématique désireux d’enseigner est recruté en vacation pour l'année scolaire, tandis que l’on sait la difficulté à pourvoir les postes pour cette matière.

Le professeur, très motivé et qui n’est pas à son premier coup d’essai, rencontre tout d’abord des difficultés avec une classe de 3eme à orientation professionnelle. Quelques élèves se fichent complètement du cours, voir de la présence du professeur. Puis la situation se dégrade progressivement dans les autres classes, deux 4eme et une 5eme, du moins sous la forme de bavardages incessants rendant l’exercice de l’enseignement difficile et pénible. 

Dans un premier temps le professeur reçoit quelques conseils de la part de sa direction et d’autres professeurs. Un vendredi, rentrant à son domicile quelque peu harassé et désemparé, il prend en main l’outil internet Scolinfo qui lui permet de décrire les contenus des cours prodigués. Il se rend compte soudain que le site web lui donne la possibilité de communiquer avec les parents. Il lui semble avoir trouvé là un moyen d’agir, et demande par courrier mail aux parents de faire la leçon à leurs enfants. Il profite aussi de l’occasion pour se présenter.

Ingénieur CNAM, sachant trouver mille astuces pour faire comprendre les choses et les faire retenir, des exemples sont donnés. Soucieux de l’avenir de ces enfants, de tous. Un point est fait en particulier sur le cours des premiers chapitres dont les contenus n’auraient pas été assez bien structurés, des assurances sont données en ce sens pour les chapitres qui suivront. Les chapitres en cours sont néanmoins bien assurés sous la forme de nombreux exercices, de TD reprenant le contenu des cours, et de deux contrôles successifs parfaitement semblables dans leur structure, permettant ainsi aux élèves de s’évaluer et d’améliorer la note sur les seconds contrôles. Comme stratégie pour tirer les élèves vers l’avant ce n’est déjà pas si mal.

Le professeur a en outre le tact de ne pas révéler aux parents qu’on leur a fait acheter de mauvais manuels de mathématiques, en partie responsables des premiers contenus de cours un peu déficients, puisque c’est ce manuel que le débutant prends pour référence. En cherchant dans l’établissement il finira par en trouver d’autres dans de meilleures éditions afin de mieux assurer sa base de cours.

Le courrier aux parents n’a pas plu, à certains parents sans doute, mais surtout à la direction. Le proviseur convoque le lundi dans l’heure le professeur et lui signifie l’arrêt de son contrat à la fin du mois de septembre. Il invoque notamment un article du règlement intérieur selon lequel les communications avec les parents d’élèves doivent être supervisées par la direction. Le proviseur est un fan de rugby, ceci expliquant peut être cela, quoique le rugby soit habituellement plutôt réputé pour son esprit d’équipe.

Quelque peu abattu, le professeur finit par découvrir le règlement intérieur, qu’il n’avait pas lu, à l’affichage en salle des professeurs. Un article mentionne en effet que « les moyens mis à la disposition des personnels enseignants pour communiquer avec les parents d’élèves ne doivent pas être utilisés à d’autres fins que celles auxquelles elles sont destinées » !

Par contre un autre article précise les conditions dans lesquelles la hiérarchie peut convoquer un enseignant afin de lui signifier une prise d’une sanction. Cet article là apparemment le proviseur ne l’a pas lu. Qu’a-t-il donc lu du règlement intérieur ?

Quelques jours plus tard, après une offre de conciliation de la part du professeur, puis une prise de contact avec un délégué syndical, une nouvelle entrevue est organisée à la demande du délégué, puisque tout est défaillant dans cette affaire, procédures non respectées, méthodes de gestion brutales et inconséquentes.

De nouveaux griefs sont avancés. Il est signifié au professeur son manque de sérieux dans la préparation des cours. Selon la direction, qui reconnait n’être pas qualifiée pour juger de pédagogie, le professeur aurait dû préparer ses cours non à l’aide d’ouvrages de mathématiques, mais à l’aide des bulletins officiels. Ce à quoi il est répondu que les bulletins officiels, supposés donc être la référence pour le programme, sont justement employés pour la rédaction de ces mêmes manuels.

De plus, il se trouve qu’en fait, la presque totalité des bulletins officiels de l’éducation nationale sont relatifs à l’organisation administrative de l’enseignement. Les quelques bulletins descriptifs du programme sont déjà connus du professeur, très bien rendus par les ouvrages de mathématiques, y compris dans le cas d’un mauvais ouvrage tant il s’agit simplement de grandes lignes.

Il se révèle donc que le proviseur déploie une stricte stratégie de persuasion par le mensonge, additionnée d’une technique de diction consistant à insérer des silences dans ses phrases, le tout basé sur des arguments complètement décalés de la réalité. Sans oublier les sourires compatissants semblant inviter le professeur à prendre conscience de sa défaillance. Ce n’était d’ailleurs pas le premier mensonge du proviseur qui avait précédemment prétendu qu’une réunion avec les autres professeurs avait eut lieu à propos de cette décision, ce qui s’est révélé être faux.

On est donc là dans un établissement catholique géré par un proviseur qui emploie le mensonge afin de valider une décision aberrante. Soit donc une personne dont la parole est tout ce qu’il y a de plus éloigné de ce que l’on peut nommer la vérité.

Il faut quand même raconter aussi que le proviseur proposera au professeur de dire aux parents que le professeur est fatigué, ceci afin de sauver l’honneur. Comme quoi le ridicule ne tue pas.

Du côté des parents des plaintes sont évoquées, nécessitant selon le proviseur le renvoie du professeur. Quelles sont ces plaintes ? Qu’a-t-on répondu aux parents ? Un élève ferait une phobie des mathématiques à cause du professeur qui élèverait trop la voix en classe. A-t-on transmis cette information au professeur afin qu’il puisse parler avec l’élève ? Rien de tout cela bien sûr n’a été fait, monsieur le professeur vacataire vous êtes le maillon faible, au revoir.

Le professeur plus tard cherchera en vain à contacter des parents, l’APEL et l’OGEC se déclarant non concernés par la gestion du corps enseignant, que reste-t-il ? La parole de la direction à propos de parents fantomatiques qui seraient prêts à manifester sous les fenêtres du collège au son de la carmagnole ? La tête du prof de math au bout d’une pique ? Quels sont donc ces parents qui n’ont même pas pris le soin d’entrer en contact avec le professeur ? Tandis qu’une lettre leur avait été justement adressée par ce même professeur. Existent-ils seulement ?

Et les enfants là dedans ? Les enfants sont rois. Les enfants se permettent de critiquer le professeur, y compris durant la classe, une minorité du moins pour être juste, sans avoir à présenter la moindre excuse. Les parents se plaignent, ceux qui se plaignent en tout cas, sur la base de ce que leur racontent leurs enfants. Et les enfants changent de professeur, pour un remplaçant que l’on va aller chercher à Pôle Emploi. Leur année de mathématiques est mise en danger, mais qui se soucie vraiment de ces enfants ? Car seuls les enfants sont excusables, dans cette affaire.

Le proviseur sauve les apparences, peut être, et le collège affiche un taux de réussite au brevet de presque 100%.

Le professeur c’est moi, et je peux vous dire qu’un taux de réussite affiché pour presque 100% me fait plus penser à de l’action commerciale qu’à la réalité de l’établissement. D’ailleurs la salle dont j’ai bénéficiée était trop petite, un inspecteur ne pourrait même pas s’y assoir pour certaines classes. Les bureaux et les chaises sont minables, abimées, présentant même des risques de coupure du fait de vis saillantes. Pas non plus de vidéo projecteur, ce qui aurait pu aider à tranquilliser les classes et à enrichir le cours, heureusement j’ai une belle écriture et un bon coup de … craie.

Et pourquoi a-t-on confié à un professeur débutant l’une des classes les plus difficiles ? Et la salle la plus petite qui ne dispose d’aucun rétroprojecteur ?

Les cahiers de cours souffriraient d’un manque de contenu, il avait été déjà répondu à ce propos. Ceci dit tant que les élèves copient ils se tiennent tranquilles. Faut-il donc augmenter exagérément cette part pour obtenir plus de calme dans les classes ? Faire beaucoup copier et donner des bonnes notes ? Appliquer une méthode basée sur le règne de la quantité, un signe des temps sans doute.

Les notes ne se donnent pas elles se méritent, et les élèves ont eût dans l’ensemble des bonnes notes, parce que le professeur a su les faire travailler, malgré les bavardages. Parce que le professeur est au service de ses élèves, pour leur progression, pour les faire grandir. C’est la seule et stricte préoccupation qu’il convient de prendre en compte et il est dommage que l’intention de communiquer soit tant reprochée, parce que c’est justement par ce seul moyen que les quelques parents inquiets ou plaintifs auraient pu être rassurés.

Je suis donc un bon professeur, n’en déplaise à la direction et quelle que puisse être l’argumentation savante, s’il en est, pour tenter de démontrer le contraire. D’ailleurs les raisonnements suivis par la « dite » direction n’ont rien de solides ni de logiques.

Enseigner les mathématiques c’est aimer expliquer les choses, les rendre compréhensibles, intelligibles. Il faut de l’enthousiasme pour cela. Enseigner les mathématiques c’est non seulement donner une chance à ces enfants de se faire une place dans cette société, pourtant bien malade, mais c’est aussi former leur esprit, leur donner des outils de compréhension pour qu’ils puissent bien grandir, comme on m’a dit lors de l’accord pré-collégial.

Les mathématiques sont un programme officiel à assurer, en priorité, mais c’est aussi un art de la pensée bien ordonnée, un réel apprentissage du « bien penser », et du sens du « vrai ». En mathématiques il n’y a pas que des calculs, il y a de la beauté, beauté de la démonstration ou du dessin géométrique. En mathématiques il y a de l’histoire, de cette histoire qui nous vient de l’antiquité grecque, des mathématiciens qui, sans papier ni crayon, transmettaient déjà la science et la connaissance, de maitres à disciples.

Voila ce que sont les mathématiques que j’enseigne, un programme, et un esprit. Mais ceci est à mille lieux semble-t-il d'une administration qui n’a que faire de philosophie. Malheureusement je crains que le calcul comptable de la direction ne soit pas le bon, et je crains que les parents aient été mal renseignés, et mal motivés pour certains.

En conclusion je crois qu’il faudrait penser l’école autrement dans ses relation internes et externes, et dans ce que l’on souhaite y enseigner. Il faudrait un peu plus de bonne volonté, plus d’intelligence, plus de communication et de confiance. Je suis effaré par tous ces témoignages de profs que je découvre sur l’internet, qui en disent long sur la difficulté à enseigner aujourd’hui. Le déficit en professeurs n’est visiblement pas près de s’arranger.

Je pensais trouver un supplément d’âme dans l’enseignement catholique. Je me serais donc trompé. Je crains que ce ne soit partout pareil, toujours des problèmes qu’il serait si simple de résoudre. C’est peut être ça, la vraie nature de la crise.

Je ne me désespère pas pour autant pouvoir exercer ce métier. Mais aujourd’hui je vous l’avoue, oui je suis fatigué.


23 Messages de forum

  • 12 octobre 2013 12:46, par Jean J. MOUROT

    Les chefs ont toujours raison !

    Mais les collègues ? Qu’en pensent-ils ?
    • 12 octobre 2013 15:51, par jimanju

      Les collègues n’ont su qu’au dernier moment, et on ne m’en a pas parlé. Je suis resté assez discret pendant quelques jours en espérant que le proviseur modifierai sa décision, et pour rester calme et assurer les cours correctement. Je n’ai pu contacter un délégué syndical qu’une semaine après la première convocation pendant laquelle le proviseur m’a signifié l’arret de mon activité pour fin septembre. Personne n’a vraiment été mis au courant, ni meme la hiérarchie de la DDEC au dessus du proviseur semble-t-il, ni l’organisme de gestion OGEC ... Ca s’est passé très vite en somme, sans consultation d’à peu près personne, rien ... je reste en contact quand même avec le délégué qui fait beaucoup je dois dire, chapeau à lui.

  • 12 octobre 2013 13:01, par gaijin

    « C’est peut être ça, la vraie nature de la crise. »
    tout a fait ! en tout cas la cause d’une grande partie du problème
    vous expérimentez là le voeux d’une partie de la classe politique de voir appliquer dans tout les domaines éducation, hopitaux etc , les méthodes managériales qui ont conduit a couler notre industrie .....
    - autoritarisme psychorigide
    - incompétence
    - absence de capacité a se projeter
    - mentalité procédurière
    - hypocrisie a tous les étages
    ..........
    bienvenue dans un monde de merde .....

  • 12 octobre 2013 13:01, par Fergus

    Bonjour, Jimanju.

    Et encore, nous en Lozère (à Mende, à en juger par la photo de la cathédrale), autrement dit dans un département où les rapports humains ne sont pas encore trop dégradés...

  • 12 octobre 2013 13:07, par Fergus

    @ Jimanju.

    Pour sourire un peu, permettez-moi ces deux liens en rapport, l’un avec les maths et l’autre avec l’enseignement catholique (il y a quelques lustres) :

    De l’influence des pets sur l’enseignement des mathématiques

    Au bon vieux temps des châtiments corporels dans l’enseignement catholique

  • 12 octobre 2013 15:05, par jimanju

    Excellent ce récit de « Léopoldine Zwertvaegher, la nouvelle prof de maths ».

    Il semblerait qu’en définitive il n’y ai pas de règle absolue, pour intéresser les léèves, faire un bon cours. Sans doute y a-t-il des méthodes, des adaptations selon les publics, selon les époques, mais en définitive c’est la valeur de l’être humain, du prof ici, qui fait la différence déterminante (au sens du dictionnaire, pas au sens opératoire et matriciel). Enfin il me semble. Pour la musique c’est la même chose, savoir la partition est une chose, l’interprêter en est une autre.

  • 12 octobre 2013 17:38, par jeanclaude

    Comme le dit Gaijin, il y a un problème de management. De mon expérience personnelle dans l’administration hospitalière publique française, je suis convaincu qu’il faut en chercher la cause en partie dans nos spécificités nationales. Hélas ! Malgré les grands cours de management qu’on reçoit, il y a une rigidité dans l’art de gouverner et d’être avec ses subordonnés qui met à néant une partie de potentiel de collaboration qu’on devrait avoir.
    Navrant que ce soit aussi le cas dans cet établissement catholique. Je suis presque certain qu’une majorité de responsables d’établissement ne reçoivent pas vraiment une formation ad hoc quand ils prennent ce poste et gardent donc les défauts visés plus haut.
    Faut pas généraliser cependant, que ce soit dans le privé ou le public.

    Je vous souhaite de vous trouver en situation de réussite dans votre prochain poste.

    • 12 octobre 2013 18:26, par gaijin

      " Hélas ! Malgré les grands cours de management qu’on reçoit, il y a une rigidité dans l’art de gouverner et d’être avec ses subordonnés "
      non pas malgré ! a cause !
      c’est pas pareil
      j’ai eu l’occasion de voir des bouquins de management des années 70 : on y explique toutes les merdes qui conduisent a la situation d’aujourd’hui

  • 12 octobre 2013 19:50, par non667

    à jimanju

    Et pourquoi a-t-on confié ...... ?

     pourquoi dans le public les nouveaux capétiens se retrouvent -il dans le 9.3. ?
    personne ne vous a dit/ ne vous dira qu’un élève qui a écrit son nom correctement sur sa copie doit avoir la moyenne !
     95% d’une classe d’age doit avoir le bac (dixit chevenement ) c’est ça !

    surtout ne culpabilisez pas , 95% des enseignants s’ils trouvaient du travail avec 80% de leur salaire actuel s’en iraient 
     ingénieur du cnam ! chapeau  !pour vous et vos enfants... mieux vaut être vendeur /approvisionneur dans un magasin de bricolage que dans cette galère  !

    Je crains que ce ne soit partout pareil, toujours des problèmes qu’il serait si simple de résoudre.....
    ce sont des problèmes généraux de l’e.n. qui vous dépassent et n’ont pas de solution logique mathématique puisqu’ils sont posés par une haute volonté politique machiavélique !
    veuf d’une enseignante , c’est ma conclusion de 40 ans d’observations !

    courage et bonne chance .

  • 12 octobre 2013 21:02, par jef88

    organiser c’est mettre en œuvre les méthodes et les moyens pour réaliser une tache dans le cadre de spécifications techniques et économiques avec le minimum d’aléas !

    actuellement, les grôôôôses têtes qui nous dirigent ont tout remplacé par des procédures et protocoles ......

  • 12 octobre 2013 21:10, par Dany-Jack Mercier

    Bravo pour cet article très intéressant qui pose d’excellentes questions, surtout dans la période de crise des vocations que nous traversons pour l’enseignement des mathématiques ! Je vais parler de cet article sur https://www.facebook.com/avantimegamaths.

    • 12 octobre 2013 21:31, par jimanju

      vous avouerais que je ne souhaite que cela, que cet article fasse tâche d’huile. Ce n’est pas par esprit de vengeance, ou de revanche, mais quand même ... je me reconnais beaucoup dans les évangiles, mais tendre la joue gauche quand on me frappe sur la droite, ça non ... et puis c’est pour les autres aussi, et pour les enfants, les jeunes. Il faut se battre, c’est un devoir. Et donc je veux bien donner de bonnes baffes bien portées, c’est bon les baffes, voyez comment je parle ... Gandi disait ça, la pire des violences c’est la lâcheté. Bref, mon côté prof de math philosophe ...

  • 12 octobre 2013 23:04, par clementsi
      • Et après ça on s’étonne que l’éducation nationale peine à recruter !

        Des enfants grossiers, des parents qui croient ce que leurs enfants leur raconte avec une naïveté enfantine, des proviseurs qui se font esclave de ces derniers, et des associations qui se lavent les mains !
        L’éducation nationale est le plus fort (et peut-être même unique ) symbole de la République, de l’égalité des chance, de la méritocratie. Ces êtres irresponsables et égoïstes se rendent-ils compte de ce qu’ils font ?
        J’espère que vous arriverez à trouver un établissement sain où vous serez respectés pour vos compétences. Soyez assuré de mon soutien et de celui de tous ceux qui considère l’éducation comme la cause nationale la plus importante qui soit.
        Enfin, ne vous reprochez surtout pas de ne pas avoir « tendu la joue droite » car si vous n’aviez pas réagi alors d’autre que vous seraient destinés à subir les memes choses que vous.
  • 13 octobre 2013 11:49, par Christian Labrune

    @Jimanju
    Pour être à peu près tranquille, dans ce métier, la seule solution c’est de brancher le pilote automatique, et surtout quand on traverse des turbulences. Cela veut dire que plus on est secoué dans la traversée d’un cours, moins il faut y penser, et surtout après qu’on est sorti de la salle ! C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on commence, parce que le pilote automatique n’est pas un dispositif extérieur : on l’a dans la tête, c’est une partie de soi-même qui se forme avec le temps et l’habitude ; c’est un peu comme l’équilibre qu’il faut réaliser quand on apprend à se servir d’une bicyclette.
    Plus on réfléchit sur ce qui se passe dans une classe et sur les inévitables dysfonctionnements, et moins ça fonctionne. Quand les élèves ont un niveau convenable et sont à même de comprendre les cours et d’en tirer profit, quelle que soit la manière dont on se comportera avec eux, ça marchera toujours et quelque chose d’intelligent pourra germer. Quand, en revanche - et c’est le cas de plus en plus - les élèves sont très en dessous du niveau requis (on peut être aujourd’hui en terminale et parfaitement illettré) il n’y a plus grand chose à faire et l’intelligence n’a plus aucune prise. Qui pis est, le déploiement des recettes idiotes inspirées par Sainte-Pédagogie ne fera qu’aggraver les choses. Prétendre, par exemple que, muni de la meilleure pédagogie, on pourrait faire un cours sur les nombres imaginaires à des jeunes qui ne maîtrisent même pas la règle de trois ou les rudiments du calcul algébrique, comme c’est souvent le cas, ce serait se faire croire qu’on est capable de faire des miracles.
    L’art d’enseigner, dans la situation actuelle, c’est un art du « faire semblant », un art de faussaire, et qui va jusqu’à la délivrance de faux diplômes. Dans ce monde où la seule préoccupation est de sauver les apparences, quiconque a l’audace de dire que le roi est nu est immédiatement perçu comme un traître. L’administration et même les chers collègues ne lui pardonneront jamais d’avoir rompu l’omerta.

    • 14 octobre 2013 21:43, par lloreen

      "L’art d’enseigner, dans la situation actuelle, c’est un art du « faire semblant », un art de faussaire, et qui va jusqu’à la délivrance de faux diplômes. Dans ce monde où la seule préoccupation est de sauver les apparences, quiconque a l’audace de dire que le roi est nu est immédiatement perçu comme un traître. L’administration et même les chers collègues ne lui pardonneront jamais d’avoir rompu l’omerta."

      Mais quelle horreur !Et vous n’ avez pas honte de faire partie d’ un tel système ?
      Faire semblant.Mais comment peut-on se regarder dans une glace et se respecter soi-même ?
      Qui ne se respecte pas soi-même ne peut pas s’ attendre à être respecté par les autres !

  • 13 octobre 2013 15:35, par smilodon

    Moi qui ai fait 25 ans de Gendarmerie, je retrouve les mêmes « aspects » !..... Y’a un règlement, dont l’article 1er (qui pourrait être le seul), stipule que le chef a toujours raison !.... Circulez, y’a rien à voir, ni à dire !..... Ce pauvre prof, c’est comme plein de pauvres gendarmes, dont moi !.... On a circulé !.... Qu’il circule donc !.... On se fout royalement de ce qu’il a à dire !..... Adishatz.

    • 13 octobre 2013 16:29, par paco

       Putain !... Le meilleur L.F.Céline d’AV en style fut pandore... comprends mieux ses points de suspention... l’habitude de suspendre des points... et son coté grognon de fauve antédilluvien... et ses réflexes profon-démént ancrés... Circulez y’a rien à voir... chassez le naturel...et le par-coeur de la matraque revient au galop... en plus ça se retraite tot ces bestioles....surtout que la majorité, leurs excroissances,... style dents de Smilodon... mais en plus gros, y les ont sur le front... non, pas national, celui qui genre passe pas bien sous les portes.... foi d’habitant de garnison de Mobiles... Alors phraser, comprenez bien que.... pour eux G Musso est un intello.. Alors Proust... des nuits d’insomnies, ... un voyage au bout de la nuit... plein de mots...sans relaxe...sans sursis....c’est sur que quand on est dressé à dire « oui Chef, bien Chef !!! » , ...argugusmenter un « oui, je vous comprends mais il me semble que... » sur trois pages d’un seul tenant, c’est l’Everest en tongues...
       Mais vous aime bien... ceci dit,... votre mérite est celui d’écrire... ( bien ou mal, on s’en fout )... ici dans un style difficilement imitable,.... des conneries ou des évidences,... comme nous tous ....d’ailleurs...

  • 13 octobre 2013 16:43, par paco

     Mais rien à redire sur vos derniers post, Smilodont, hélas, que du bon sens. Juste envie de charrier votre style, tout en revant d’y réussir idem... Adisquatch...

  • 14 octobre 2013 10:52, par Gaspard Delanuit

    @L’auteur,

    Dans la logique d’un établissement scolaire privé, les parents d’élèves sont les clients de l’entreprise. Par conséquent, en tant qu’employé, vous ne pouvez pas user du fichier clientèle pour établir des contact directs sans en informer le responsable de l’entreprise. 
    Dans n’importe quelle entreprise, ce principe est respecté. 
    En revanche, le proviseur aurait peut-être du mieux vous en informer à votre arrivée.
    Avez-vous signé ce règlement ? Parce qu’en termes légaux, c’est cela qui sera important dans la contestation de votre renvoi. 
    • 14 octobre 2013 11:27, par jimanju

      Monsieur, j’ai très bien compris que sur le principe j’aurais dû consulter la hiérarchie avant de m’adresser directement aux parents. Et pour vous répondre précisément non je n’ai pas signé le règlement intérieur, qui à ce propos aurait de toutes manière demandé à être précisé, ni je n’en ai été informé.

      Il s’agit donc d’une erreur, voir d’une faute de ma part je l’admet, mais est ce pour autant une faute si grave qu’elle décide d’une fin de contrat ? C’est bien là le problème, et les choses auraient très bien pu s’arranger autrement, et être tournées en positif, malgré mon erreur de départ, qui par ailleurs peut se comprendre, je pense. Je rappele que je suis un vacataire et que je ne suis pas forcément au courant de toutes les subtilités de la vie dans un établissement scolaire.

      Je maintient qu’en parralèle d’une nécessité à respecter une certaine discipline hiérarchique, il est par ailleurs discutable de ne pas voir aussi la nécessité de plus de communication avec les parents. C’est là aussi un véritable sujet de réflexion. Les quelques collègues avec lesquels j’ai pu en discuter ont souligné le fait que cette demande de communication avec les parents est quand meme quelque chose à l’ordre du jour, tandis que par ailleurs un autre au contraire me dit éviter cette communication directe afin de se protéger. Je suis un « jeune » professeur, j’apprend, à mes dépends.

      En espérant avoir répondu à vos pertinentes questions.

    • 14 octobre 2013 13:58, par Gaspard Delanuit

      Vos réponses sont également pertinentes et, à l’écoute de vos déclarations - sous réserve d’entendre un autre son de cloches du côté de la partie adverse -, votre renvoi semble peu justifié. 

  • 14 octobre 2013 11:44, par Alois Frankenberger

    Raaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

    Les joies du baptème du feu !

    Courage !

    La prochaine fois, vous ne contacterez plus les parents, il vous suffira simplement de continuer à donner la matière jusqu’aux premiers tests dont les résultats seront bien évidemment catastrophiques et à ce moment là les parents viendront pleurnicher chez vous et ALORS vous pourrez leur expliquer entre « quatzieux » que leurs petiots sont quelque peu dissipés et qu’il leur incombe de les remotiver pour qu’ils puissent réussir leur année qui leur coûte si cher.

    Et s’ils ne pigent pas vous pouvez toujours leur montrer la matière et les objectifs à atteindre : tout le monde comprend ça , surtout les parents.

  • 14 octobre 2013 21:29, par lloreen

    C ’est assez abominable !

    Malheureusement c ’ est une « qualité » bien française ancrée dans les moeurs (que j’ abhorre) qui exige de s’ aplatir devant sa hiérarchie, qui, par définition, a toujours raison.
    Vous avez, semble t-il eu la maladresse de froisser votre directeur en prenant l’ initiative (lui brûlant la politesse....quel crime de lèse-majesté) de vous adresser aux parents.

    Je ne connais pas le système scolaire de l’ intérieur pour en connaître les règles de fonctionnement mais j’ imagine qu’ elles sont identiques à celles en application ailleurs.
    Faut-il donc s’ étonner de voir que les français sont les champions parmi les usagers d’ anti dépresseurs et je ne connais pas les statistiques des suicides au travail mais il semblerait que la France soit dans le peloton de tête ce qui n’ est guère reluisant.

    Il semble assez paradoxal que des élèves se permettent de juger des compétences d’ u_n adulte, de surcroit diplômé du CNAM, c’ est à dire professionnellement apte à dispenser un savoir à des gamins de collège.
    Quant aux parents et au directeur , ont-ils les mêmes compétences en mathématiques pour apporter un jugement quant au contenu de l’ enseignement ?

    Cet état d’ esprit est vraiment exécrable et si j’ étais à votre place je prendrais le large pour échapper à cette bassesse et à cette misère intellectuelle.
    Mettez- vous à l’ anglais si vous ne maitrisez pas cette langue et allez voir à l’ étranger.Les ingénieurs sont très demandés.
    Quant aux élèves...il leur reste les parents apparemment plus compétents que vous.

5 février 2014

ZEP : comment l’Education nationale se prive d’une héroïne

http://rue89.nouvelobs.com/2014/02/05/zep-comment-leducation-nationale-prive-dune-heroine-249648

Témoignage 05/02/2014 à 12h41

ZEP : comment l’Education nationale se prive d’une héroïne

Françoise Gossart | Prof en ZEP

Chaque matin, c’est Nesria qui accueille les élèves et professeurs du collège Robert-Doisneau, dans le XXe arrondissement de Paris. Ici, rien ne va, sauf avec cette surveillante dont le poste est pourtant menacé.


Devant le collège Robert-Doisneau (Mathieu Cantorné/Rue89)

Je suis enseignante au collège Robert-Doisneau, une zone d’éducation prioritaire (ZEP) du XXe arrondissement de Paris. Depuis quelques années, notre quotidien est devenu de plus en plus lourd.

Cela s’explique notamment par le fait que nous accueillons, dans le même établissement, des classes générales ainsi que de multiples dispositifs :

  • une Unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ;
  • une Section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) ;
  • une Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants.

Tout cela complique la prise en charge d’élèves souvent difficiles et aux profils très différents. Par ailleurs, la fameuse mixité sociale n’est pas toujours une réussite.

Beaucoup de profs demandent leur mutation

Nous sommes souvent pris entre la violence policée de certains parents des classes moyennes supérieures qui se comportent en usagers très exigeants, et la violence plus directe de certains parents de milieux moins favorisés qui peuvent nous rendre responsables des multiples difficultés qu’ils traversent. Pas simple…

A la rentrée de septembre, la situation s’est encore aggravée.

Nous avons dû faire face à :

  • une augmentation des effectifs des classes de Segpa (avant une douzaine d’élèves, maintenant 16). Et si, auparavant, deux ou trois élèves par classe relevaient de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), maintenant c’est le cas d’environ la moitié d’entre eux ;
  • une augmentation des effectifs dans les classes générales (plus de 25 élèves dans certaines classes, notamment en cinquième) ;
  • une troisième supplémentaire ;
  • une augmentation des redoublements en troisième d’élèves en grande difficulté ;
  • une infirmière désormais à temps partiel alors que les ateliers Segpa nécessiteraient à eux seuls un temps plein ;
  • une augmentation des tâches de la direction à l’extérieur de l’établissement.

Mais surtout, au départ, fin juin 2013, de nombreux enseignants qui demandaient leur mutation depuis plusieurs années. La ZEP, ça use…

Des élèves terribles. Et terriblement touchants

Ces anciens collègues titulaires ont été, la plupart du temps, remplacés par de jeunes enseignants moins expérimentés dont le statut est souvent incertain et scandaleux en terme de rémunération :

  • quatre contractuels admissibles (CAD) à tiers-temps ;
  • une professeure stagiaire ;
  • deux contractuels ;

A cela s’ajoute le renouvellement d’un nombre important de membres de la Vie scolaire et une perte sèche de 39 heures de moyens de surveillance très préoccupante, tant sur le plan pédagogique que sur le plan humain pour l’ambiance de l’établissement, et dangereuse pour la sécurité de tous.

Car c’est cela l’Education nationale : la réduction de plus en plus drastique des moyens et la multiplication des statuts précaires entraînant le turnover des personnels, toutes catégories confondues (Vie scolaire, enseignement, santé, entretien).

En juin 2012, par exemple, la chef d’établissement s’était débarrassée – sans autre forme de procès – de plusieurs assistants d’éducation (AED) en ne renouvelant pas leur contrat. Les effets de tous ces bouleversements et de toutes ces restrictions n’ont pas tardé à se faire sentir !

Il faut savoir que les élèves que nous accueillons ont particulièrement besoin de repères stables et fonctionnent beaucoup à l’affectif. Il faut toujours un temps plus ou moins long avant être reconnu, admis et adopté. Après, c’est bon. On intègre cette sorte de grande famille qui peut devenir alors très chaleureuse et réserver des moments magiques dans la relation avec ces mêmes élèves qui peuvent passer de terribles à terriblement touchants.

Les vieux routards s’arrachent les cheveux

Dès le début de l’année, les nouveaux surveillants inconnus des élèves et en sous-effectif, ont commencé à rencontrer les pires difficultés à endiguer certains débordements, à contrôler les allées et venues intempestives dans les couloirs, les bousculades dans les escaliers, etc.

Les permanences sont vite devenues un enfer dans lequel il n’était pas rare que des AED craquent, fondent en larmes d’impuissance et d’énervement. Les récréations devinrent vite des moments de défoulement avec des mouvements de foule incontrôlables, des jeux violents, des insultes, du racket, etc.

Quelle autorité peut-on avoir face à un élève qu’on ne connaît ou reconnaît pas et qui, de son côté vous teste ? De leur côté, les nouveaux enseignants avaient encore plus de mal à tenir leurs classes dans cette atmosphère très dégradée. Même les « vieux routards » s’arrachaient souvent les cheveux.

Un père d’élève armé d’un sarbre japonais

A la veille des vacances de la Toussaint, la tension avait été à son comble : chahuts répétés avec lancers de pétards, d’œufs, de tomates dans la cour et les étages, bagarres quotidiennes pendant les récréations ayant entraîné un blessé grave avec fracture du crâne, coma et perte partielle de l’audition d’une oreille !

Nous apprendrons que certains élèves avaient décidé de faire un bazar maximum pour empêcher le bon déroulement des cours et avoir une semaine de vacances supplémentaire !

Le 22 novembre 2013, un père d’élève armé d’un sabre japonais, avait fait irruption dans le collège pour faire justice lui-même car sa fille avait été bousculée dans les escaliers ! Une agente de service, la principale adjointe et la directrice de la Segpa (trois femmes !) avaient évité le pire en s’interposant entre le père et l’élève.

Le sourire de Nesria

Dans toute cette tourmente, il y a des sortes de héros du quotidien qui ne se départissent jamais de leur bonne humeur, de leur entrain.

Nesria en fait partie. Toujours pimpante, toujours maquillée, c’est elle qui – chaque jour – accueille les élèves et les enseignants à l’entrée de la cour. Elle connaît tout le monde par son prénom et a toujours un mot gentil pour chacun. Des fois, on n’arrive fatigués ou un peu découragés quand la veille, par exemple, cela s’est mal passé avec une classe. Eh bien, le sourire de Nesria nous redonne du baume au cœur.


Devant le collège Robert-Doisneau (Mathieu Cantorné/Rue89)

 

C’est elle qui fait la police devant l’ascenseur pour éviter que des resquilleurs ne montent avec les vrais « éclopés ». Elle sait hausser la voix quand il le faut mais elle sait aussi écouter les petits malheurs, se renseigner sur les petits bobos.

C’est elle aussi qui surveille la salle de retenue et contrôle les allées et venues de la salle de permanence (pas toujours simple…).

Bref, une figure stable et respectée de tous qui ne ménage pas sa peine et fait « partie des murs ».

Avec les remerciements du rectorat

Oui mais voilà… Nesria arrive à la fin de son dernier renouvellement de contrat d’AED après six ans de surveillance à Robert-Doisneau et maintenant qu’elle a 51 ans et deux filles étudiantes à charge, en remerciement des treize ans qu’elle a passés à encadrer des élèves (trois ans dans le primaire et dix ans dans le secondaire), le rectorat se désintéresse totalement de son sort et l’envoie froidement pointer à Pôle emploi !

Car Nesria, c’est le parcours classique d’une mère de famille qui a arrêté de travailler pour élever ses filles et qui, suite à la perte de son mari, a dû retourner dans le dur monde du travail.

Après quelques mois passés à l’Institut de recherches et d’applications pédagogiques (Irap) pour élaborer un projet professionnel, elle a cumulé les emplois précaires :

  • de 1992 à 1994, elle a été surveillante au collège Guillaume-Budé dans le XIXe dans le cadre d’un contrat emploi solidarité (CES) ;
  • de 1999 à 2001, elle a été salariée de la Ville de Paris, comme surveillante d’Interclasse ;
  • après un détour par un CDD comme vendeuse démonstratrice au BHV, en janvier 2006, elle est arrivée au collège Robert-Doisneau sur un contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) comme assistante administrative. Ceci jusqu’en décembre 2007 ;
  • enfin, de janvier 2008 à janvier 2014, elle a occupé un poste d’AED dans notre collège.

Depuis le début de l’année, les personnels remuent ciel et terre pour garder Nesria.

Un contrat de vingt heures plutôt qu’un CDI

Dès octobre 2013, à l’occasion d’un rendez-vous au rectorat au sujet des problèmes de surveillance, notre délégation avait demandé que le contrat de Nesria soit transformé en CDI.

Après de multiples démarches infructueuses pour réclamer des moyens supplémentaires en encadrement compte tenu de l’augmentation des effectifs, nous avons fait une journée de grève le 19 novembre 2013.

Suite aux évènements gravissimes de la Toussaint, plusieurs demi-journées de concertation sur des heures banalisées se sont tenues. Un travail important a été fourni à cette occasion par les personnels d’enseignement et de vie scolaire pour établir un diagnostic et un ensemble de solutions.

Le rectorat nous a seulement accordé trois contrats uniques d’insertion (CUI) dans le cadre de la « politique de résorption du chômage » du gouvernement. Il s’agit de contrats précaires de vingt heures payés 630 euros par mois. Le rectorat a, par ailleurs, envoyé une inspectrice Vie scolaire, laissant entendre ainsi que nos difficultés venaient de la gestion des surveillants par les conseillers principaux d’éducation (CPE). Une réponse hiérarchique visant à atomiser et à diviser les personnels en mettant la pression sur quelques-uns !

De son côté, la chef d’établissement nous a fait savoir dans un premier temps qu’elle réservait à Nesria le troisième poste de CUI. Dans un second temps, nous avons appris que ce CUI prendrait fin en août !

Une négociation longue et pénible

C’est donc pour le réemploi de Nesria sur un poste stable dans un contexte de carence en encadrement, que le jeudi 30 janvier 2014, surveillants et enseignants se sont mis à nouveau en grève. Malgré les nombreux courriers envoyés au rectorat depuis des mois et malgré le préavis de grève, celui-ci n’a apporté aucune réponse concrète et nous a donné rendez-vous le lundi 3 février 2014.

Le 3, à 11 heures, Nesria était à Pôle emploi, accompagnée par notre chef d’établissement.

La conseillère qui a procédé à son inscription lui a dit qu’elle était éligible sur un poste de CUI mais ne lui proposait que 20 heures avec une compensation faite entre le salaire CUI et le taux d’indemnité chômage !

A 13 heures, nous étions donc devant le rectorat avec banderole, tracts et chansons pendant qu’une délégation de collègues et une mère de la FCPE, rejointe par la maire du XXe, réclamait un emploi stable pour Nesria.

La négociation fut longue et pénible. Elle s’est close par la promesse du rectorat de chercher « les possibilités légales, dans le cadre du ministère de l’Education nationale, d’un emploi en contrat CUI 35 heures », après consultation de leur conseiller juridique.

Doit-on, cette fois, croire en ces promesses ?

Les élèves avec nous : « On veut Nesria »

La situation est tendue du côté des élèves car ils sont très attachés à cette AED présente dans l’établissement depuis si longtemps. Nesria, c’est la figure à la fois cadrante et bienveillante qui sait hausser la voix mais aussi écouter.

A l’annonce de son départ imminent, les élèves ont pris l’initiative de faire circuler une pétition qui a recueilli 170 signatures. Jeudi matin, ils se sont regroupés devant l’établissement pour réclamer le maintien de Nesria. Ils avaient fixé des affichettes sur la grille du collège :

« On veut Nesria. »

« Il nous faut Nesria ! ! ! »

« On reste pour Nesria ! »

« F… le rectorat, recommencez son contrat ! »

Certains, de leur propre initiative, nous ont rejoints devant le rectorat. Nesria, de retour de Pôle emploi, a eu droit à des applaudissement et à des embrassades. A tel point que les vigiles qui avaient fermé les grilles comme si nous étions de dangereux terroristes, semblaient tout attendris !

Munis de craies de couleurs, ils écrivaient des slogans sur le trottoir et sur les piliers. Ils chantaient avec nous.

 

Making of

Le 16 janvier, le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, a affiché sa nouvelle priorité, les ZEP, zone d’éducation prioritaires, qui deviendront REP, comme réseau : « Cibler l’argent public en priorité sur les élèves les plus défavorisés », avec des primes spécifiques pour fidéliser les enseignants.

 

Ce qui se passe au collège Robert-Doisneau est emblématique de ce qui se joue derrière les annonces qui font plaisir aux syndicats d’enseignants : les personnels non enseignants sont de plus en plus précaires alors que les équipes s’accordent à dire que leur rôle est indispensable. Dans cet établissement, tout le monde, du chef d’établissement aux élèves, se bat pour l’une d’entre eux. Blandine Grosjean

Publicité
Publicité
Après l'effort, le réconfort
Publicité
Archives
Publicité