Une classe de primaire à Toulouse en France à la rentrée 2014 (Fred Scheiber/20 Minutes/SIPA)
Durant ces 40 dernières années, on est passé brutalement d’une situation où trois élèves sur quatre n’accédaient pas à l’enseignement secondaire, à celle où, aujourd’hui, tous les élèves y entrent et y restent au moins cinq ans. On comprend bien qu’une telle révolution a profondément et brutalement transformé la composition sociale et culturelle de la population scolaire.
L'école a raté sa démocratisation
Lorsque s’est levée la barrière d’une sélection qui était injuste et cruelle, un nombre considérable d’enfants, auparavant écartés, se sont trouvés précipités dans un système qui n’était pas conçu pour eux. Il eût donc fallu que cette école se transformât en profondeur dans ses contenus, sa pédagogie, la formation de ses maîtres et ses finalités professionnelles. Elle est en fait restée quasiment identique à elle-même. Le résultat est que si l’école a réussi sa massification, elle a raté sa démocratisation : 150.000 élèves la quittent sans aucun diplôme, pour la plupart en situation d’illettrisme. Aujourd’hui on tente de donner le change en sortant de la naphtaline quelques mesures, régulièrement présentées comme décisives depuis 1969.
Ces annonces, sans analyses sérieuses, appuyées sur des comparaisons internationales superficielles veulent cacher que notre école navigue entre complaisance et cruauté, maquillant l’échec en abaissant régulièrement ses ambitions et ses exigences. Au lieu d’amuser la galerie, la seule question à laquelle devraient répondre avec franchise et lucidité nos ministres est la suivante :
"Acceptons-nous que le destin scolaire et social d’un enfant soit scellé selon qu’il est né du bon ou du mauvais coté du périphérique, selon qu’il vit en zone urbaine ou rurale ou selon qu’il appartient à une famille culturellement favorisée ou non ?"
La réponse à une telle question dépasse de très loin les mandats politiques et les postures mondaines. Elle permet de distinguer les égoïstes cyniques des humanistes généreux. On trouve d’ailleurs les uns et les autres à droite comme à gauche. Il nous faut donc inscrire au cœur du projet politique d’éducation le pouvoir de résilience de l’école. C'est à la lumière de cette volonté qu'il faut dénoncer ces écrans de fumée idéologiques que représentent la suppression des notes, la disparition du redoublement ou la fin de l'écriture manuelle.
La suppression des notes ne changera rien au destin
L’éducation nationale s’est ainsi récemment mis en tête qu’il fallait supprimer les notes afin de ne pas décourager les élèves qui font des fautes. Qui donc nous fera croire qu’il suffirait de ne plus quantifier les difficultés d’apprentissage pour régler le problème de l’échec scolaire et du désenchantement qui touche une bonne part des élèves !
Evidemment la mesure est tentante ! Supprimer les notes ne coûte rien, et, en plus, on occupe le terrain médiatique en donnant l’impression d’avoir fait quelque chose d’utile et de concret. Et enfin nous dit-on : "braves gens, regardez donc les résultats de pays qui on suivi cette voie, ils sont mieux classés que nous !"
Pauvre argument qui néglige notamment la différence de qualité de la formation et du statut des maîtres si médiocre chez nous.
Incompétence ou cynisme, nos responsables, dépassés par la faillite de notre système, sont prêts à s’accrocher à n’importe quel gadget et nous racontent n’importe quoi ! Car enfin, nous savons bien que la suppression des notes ne changera rien au destin, malheureusement programmé, des élèves fragiles.
La question n'est pas de choisir entre une notation sur 10 ou sur 20 ; la question n'est pas d'instaurer un système de couleurs ou un système de lettres ; tout cela n'est que poudre aux yeux ! La seule question qui vaille c'est que l'on instaure un système d'évaluation qui identifie les difficultés singulières de chaque élève et le rythme singulier de chaque parcours d'apprentissage afin que sur cette base on instaure une démarche de différenciation pédagogique lucide qui accompagne chacun selon ses besoins.
Deuxième tour de passe-passe : la suppression du redoublement
Ce n'est pas la voie qui se dessine aujourd'hui. Deuxième tour de passe-passe, la suppression du redoublement ! En l’état de notre système éducatif, rendre le redoublement exceptionnel comme le propose la Ministre ne va pas changer le caractère inéluctable de l’échec scolaire de certains enfants. Tout au plus pourra-t-on différer la manifestation de l’échec.
Le vrai défi c’est de transformer la logique de rupture actuelle en logique de continuité et d’accompagnement afin de passer d’un système complaisant et cruel à un système alliant exigence et générosité.
Pour cela il conviendrait de gérer avec lucidité le passage des différents paliers que les élèves ont à franchir de la maternelle à l’université en mettant en place des sas de transition. C’est à dire des bilans réguliers situés suffisamment tôt dans l’année pour identifier les difficultés spécifiques de chacun et permettre une véritable remise à niveau.
C’est justement ainsi que procèdent les pays qui ont les meilleurs résultats sans pour autant dépenser plus que nous pour l’éducation. Là encore cela exige une transformation en profondeur de l’organisation des établissements, une révision complète des programmes et une formation des maîtres à la hauteur des enjeux.
L'écriture cursive est essentielle à l'apprentissage
Au-delà de l'emballement un peu rapide sur la prétendue fin de l'enseignement de l'écriture manuscrite en Finlande, n'est-il pas à craindre qu'un jour, vraiment, la fin de cet enseignement devienne réalité. Une telle perspective aurait des conséquences dramatiques sur la formation intellectuelle des élèves.
C'est en traçant soit même ses mots soigneusement choisis que l'on prend conscience de leur composition graphique et phonique ainsi que de leur organisation syntaxique. Or c'est cette conscience qui va porter l'apprentissage de la lecture. En d'autres termes, c'est l'écriture manuelle maitrisée qui assure une lecture précise et fluide.
C'est aussi en écrivant de sa main que l'on grave mots et textes dans sa mémoire. Considérez donc notre comportement lorsque nous hésitons sur l’orthographe d’un mot. Ce n’est pas à un clavier que nous confions le soin de réveiller notre mémoire orthographique c’est à notre main qui, trace plusieurs formes possibles que nous confions notre choix.
Seules les pages écrites par la main d’élèves rendus attentifs à la qualité graphique, à l’organisation et à la correction des mots affirment leur passage dans une classe et les efforts qu’ils y ont fournis pour y laisser leur propre trace. Une trace superbe ou médiocre, mais la leur, dessinée de leur propre main, forgée par leur propre intelligence dans l’exaltation et le labeur solitaires.
C’est bien ce labeur d’écriture manuelle dont nul autre ne peut les décharger que l’on doit leur apprendre à chérir ; parce que le soin obstiné qu’ils portent à la forme comme au sens construit la conscience d’eux-mêmes et le goût de l’Autre. L’abandon insidieux de l’acte d’écriture manuelle serait le coup le plus terrible que l’on pourrait porter à l’école républicaine.
Mothership Connection
J’ai toujours eu beaucoup de difficultés en langue au collège/lycée, étant un élève plutôt moyen ou bon dans les autres matières.
Je n’avais jamais de cours à réviser seulement trois bouts de notes en anglais prises pendant le cours qui m’apparaissait souvent totalement déstructuré et pendant lequel je dormais/dessinais/jetais des boulettes de papier. Souvent j’attendais « le cours » histoire de le noter pour l’apprendre plus tard, mais il n’arrivais jamais. Du coup mon retard s’est accumulé jusqu’à ce que je sois incapable de suivre pour de bon...
Puis je m’y suis mis à l’université, avec des articles à lire en anglais il fallait bien, donc entre reverso et les cours de faculté j’ai finis par rattraper mon retard. Mais là j’étais autrement plus motivé.
Avec le recul la méthode actionnelle me semble être une bonne méthode si on est sûr que les élèves suivent, mais comme vous le dites vous même ce n’est pas forcément le cas (et je suis bien placé pour le savoir) surtout au collège. En revanche cela me semble aussi être un très bon moyen pour perdre un paquet d’élèves en route, parce qu’avec un cours « frontal », au moins on peut rattraper et éviter d’être largué au bout de deux mois.